Le lien peut être difficile à faire ou sembler étrange, mais les bactéries peuplant l’estomac et les intestins de votre enfant qui l’aident à digérer les aliments pourraient également influer sur le développement de son cerveau. Cette hypothèse est peut-être moins surprenante si l’on considère que les intestins sont bordés d’un tissu nerveux hébergeant quelque 100 millions de neurones. Qui plus est, des scientifiques ont récemment découvert que les communications entre le cerveau et les intestins (ou « deuxième cerveau » comme on l’appelle souvent) se font dans les deux sens. Ils ont en effet constaté que le nerf vague transmet de l’information des intestins au cerveau, ce qui laisse suggérer que notre état d’esprit pourrait être influencé, voire stimulé, par l’état de nos intestins. Cette observation est particulièrement fascinante à la lumière des données de nouvelles recherches préliminaires examinant le rôle des bactéries intestinales dans le développement du cerveau au cours des premières années déterminantes de la vie

Les bonnes bactéries

L’adulte moyen abrite environ cent mille milliards de microorganismes dans ses intestins, la plupart étant des bactéries. De fait, notre organisme contient 10 fois plus de cellules microbiennes que ses propres cellules humaines. Bien que nous associions le plus souvent bactéries avec maladies, la plupart des bactéries présentes dans les intestins sont en fait des microbes favorables qui jouent un rôle essentiel et positif dans bon nombre de nos processus biologiques les plus élémentaires, nous aidant à utiliser les nutriments dans les aliments que nous mangeons et à combattre les bactéries dangereuses, entre autres. Au cours des dernières années, des chercheurs ont découvert que ces microbes naturels pourraient également avoir un effet profond sur le développement du cerveau

Une étude japonaise a montré que les souris élevées de façon à être exemptes de tout germe ont libéré une quantité exagérée d’hormones de stress lorsqu’elles étaient confinées dans un espace restreint où leurs mouvements étaient limités, comparativement aux souris normales. Cet effet était partiellement renversé lorsqu’une colonie normale de microbes intestinaux était introduite dans les intestins de ces souris sans germes, dans la mesure où les bactéries étaient introduites à un stade précoce de développement de la souris. Si les chercheurs attendaient trop longtemps avant d’introduire les bactéries, la réponse au stress ne changeait pas, ce qui semble indiquer qu’il existe un stade crucial au cours duquel les microbes doivent être présents afin que le système de réponse au stress se développe et fonctionne normalement

Dans le cadre d’une étude similaire, des chercheurs suédois ont analysé les cerveaux de souris exemptes de germes; ils ont observé la présence d’anomalies dans près de 40 gènes et des effets sur les signaux transmis entre les cellules nerveuses. Il existait un lien direct entre les gènes touchés, associés à l’anxiété et au contrôle moteur, et les différences de comportement observées entre les souris exemptes de germes et celles qui abritaient une population normale de microbes intestinaux. À nouveau, les souris exemptes de germes, lorsqu’elles étaient exposées à des bactéries intestinales à un stade précoce de leur développement, se comportaient comme les souris normales lorsqu’elles atteignaient l’âge adulte

Les bactéries pourraient-elles fournir des réponses liées au développement?

On ne connaît pas pour le moment la portée exacte de ces effets chez les humains. Cependant, nous savons que les intestins d’un nouveau-né sont immédiatement colonisés par une population complexe de microbes Ces microorganismes jouent un rôle déterminant dans la constitution du système immunitaire. Ils produisent également les substances neurochimiques utilisées par le cerveau pour réguler les processus physiologiques et cognitifs, notamment l’apprentissage, la mémoire et l’humeur En outre, certaines données montrent qu’ils seraient en cause dans l’apparition de troubles neurologiques du développement, comme l’autisme et la schizophrénie. Certaines études de recherche ont démontré que les selles des enfants autistes ont tendance à avoir une composition bactérienne différente de celle des enfants normaux. Toutefois, ces études sont très préliminaires, et cette relation nécessite d’être examinée de façon plus approfondie

Les chercheurs dans ce domaine suscitant de plus en plus d’intérêt espèrent pouvoir un jour être en mesure de prévenir ou de traiter certains troubles comme l’autisme ou l’anxiété grave en modifiant simplement la composition des bactéries intestinales d’un enfant. Toutefois, la partie est loin d’être gagnée, car nous comprenons très peu la façon dont les bactéries influent sur le cerveau et le développement, et encore moins ce que nous pouvons faire pour modifier ce processus. Ce domaine est à surveiller et il nous rappelle qu’il existe tellement d’interconnexions dans l’organisme humain qui restent à être découvertes par les chercheurs

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